Taille fruitière de formation et de fructification

L’arboriculture fruitière en formes jardinées vise à produire les meilleurs fruits possibles. Même si elle travaille sur l’ensemble des dimensions et des paramètres de l’arboriculture fruitière, l’arboriculture en formes jardinées s’organise autour d’un ensemble de savoirs et de savoir-faire spécifiques : ceux de la taille de formation et de fructification. Même s’ils résultent d’une très longue tradition, les savoirs et savoir faire de la taille ont toujours été en constante évolution et cette évolution se poursuit évidemment aujourd’hui.

Même si c’est un exercice auquel se sont livrés et continuent de se livrer de nombreux spacialistes de l’arboriculture fruitière, décrire des savoir-faire dans un texte est un exercice très difficile. On a choisi de le faire ici sous formes d’instructions pour conduire un arbre à produire des fruits. Ce texte a été écrit par Denis Retournard. Les dessins sont extraits de Beccaletto Jacques, Retournard Denis et Eyraud, Marie-Claude, La Taille des Arbres Fruitiers, Ulmer, 2015.

La taille de formation

Les formes jardinées permettent de produire les meilleurs fruits dans un volume réduit. Elles ont également l’avantage d’exprimer toute la plasticité de l’arbre, ce qui peut donner au jardinier la possibilité de faire des recherches esthétiques. Si leur diversité est presque infinie, on peut cependant classer les formes jardinées en deux types :

− les formes plates à palisser : elles comprennent quatre sous types : les cordons (verticaux, obliques, horizontaux, multiples, ondulées, etc.) ; les branches verticales (palmette U simple, double ou multiple ; palmettes Verrier 4 ou 6 branches ; candélabres (jusqu’à 19 branches), etc.) ; les branches obliques (palmette en V, oblique, croisillon, etc.) et les branches horizontales multiples (comme les palmettes Legendre).

− les formes non plates dites en volume : palissées ou non, elles comprennent deux sous-types :

– les formes avec pivot central (fuseau, pyramide, pyramide ailée, etc.) et les formes sans pivot central (gobelet, vase, cylindre, table…).

La taille de formation permet non seulement de donner une apparence aux arbres, mais aussi de disposer les branches charpentières à un écartement suffisant pour que la fructification s’établisse et se maintienne, sur toute leur longueur, parfaitement éclairée et aérée. Ce mode de culture permet d’obtenir des fruits de grande qualité, sans artifice contre nature.

En période de végétation, sur la plupart des arbres fruitiers, la sève montante (brute) favorise le développement des parties supérieures des branches au détriment de leur base. On sait donc que le bourgeon qui poussera plus vite qu’un autre sera au-dessus de celui-ci, qu’il sera également mieux alimenté que celui qui est en dessous, etc. La hiérarchie dans cette « distribution » de sève permet de sélectionner, de favoriser ou défavoriser les branches que l’on cherche à faire naître pour obtenir une forme équilibrée, où la sève sera régulée, et permettra ainsi une bonne fructification.

Des techniques relativement simples permettent de conduire toutes les formes jardinées possibles et imaginables. La recette est élémentaire : un peu de technique, un peu ou beaucoup de patience et de constance.

La création des formes plates à palisser Il s’agit de faire naître des rameaux aux bons endroits et de les diriger dans les directions indiquées par les infrastructures mises en place préalablement

Comment obtenir un cordon simple?

Pour créer des formes plates à palisser, il faut faire naître des rameaux aux bons endroits et de les diriger dans les directions indiquées par les infrastructures mises en place préalablement On peut résumer ainsi les étapes pour obtenir un cordon simple :

– En automne, il convient de planter un scion de la variété désirée, mais pas trop vigoureux.  Le scion sera planté verticalement et non pas obliquement. Il ne faut pas tailler, sauf si le scion porte des ramifications latérales. Dans ce cas, les ramifications seront coupées sur empattement (en ménageant quelques millimètres près du tronc).

– On laissera ensuite la végétation se développer à sa guise, sans aucune intervention.

– En été, il faudra courber doucement le scion sur un fil de fer tendu horizontalement à 40 cm au-dessus du sol. Le cordon sera alors fixé sur le fil de fer avec quelques attaches. Ensuite, aucune intervention jusqu’au printemps de l’année suivante. – En hiver, on sera étonné de constater que de nombreux yeux à bois se sont transformés en boutons à fleurs. Supprimer alors simplement les ramifications ligneuses (brindilles, rameaux) qui se seraient développées par hasard sur le dessus du cordon. Garder toutes les autres en entier. Pour la flèche (le prolongement de la forme), on la taillera à une vingtaine de cm de longueur, si possible sur un œil qui regarde le sol, puis on la palissera horizontalement sur le fil. 

Comment obtenir un U simple?

Pour obtenir une ramification à deux bras, comme pour un U simple, les étapes sont les suivantes :

– En automne, on effectuera la taille du scion à la plantation à environ 30 cm, sans tenir compte du choix des yeux.

– Au printemps, la sélection se fera par ébourgeonnement. L’équilibre sera alors recherché avec un palissage compensateur (inclinaison de la branche la plus forte et redressement de la branche la plus faible).

– En fin d’été, on palissera les extrémités des rameaux en formant les coudes qui deviendront le futur U. Il faut impérativement respecter des distances de 30 cm entre chaque branche charpentière (branches du U). Les deux branches ainsi obtenues seront de vigueur identique et faciliteront la taille fruitière. On Palissera verticalement les rameaux et on supprimera d’éventuels rameaux en surnombre. – Les années suivantes, on montera la forme en laissant pousser les branches charpentières d’une vingtaine de centimètres. 

Comment obtenir une pyramide ailée?

(pour amateur éclairé seulement) 

– La formation de cette forme demande des baguettes en infrastructure de soutien pour palisser les ailes de la forme. Les branches sont implantées par étages espacés de 50 cm. Elles sont insérées selon un angle de 60° par rapport au tronc.

– Après avoir taillé à environ 50 cm du sol, il faut sélectionner les yeux à conserver. Pour obtenir les premières branches, on réservera cinq yeux échelonnés autour de l’axe central. La phyllotaxie  (ordre dans lequel sont implantés les feuilles ou les rameaux) facilitera cette opération. Ces cinq premiers yeux seront suivis par un sixième placé au-dessus d’eux. Cet “œil de flèche” est destiné à prolonger l’axe central.

– Au lieu de tailler directement au-dessus de l’œil de flèche, effectuer une taille “à l’onglet”. Cette taille consiste à couper le scion à 10 cm au-dessus de l’œil de flèche et à éborgner sur sa longueur. On obtient ainsi un moignon inactif. Il sert à palisser le bourgeon destiné à prolonger le tronc. Supprimer cet onglet en fin de saison. On le coupera à ras du départ du rameau vertical de prolongement.

– Former les premières branches charpentières.

Tous les yeux en surnombre doivent être éborgnés. On régularisera la vigueur en établissant des barrages de sève. On entaillera au-dessus du premier et du deuxième œil (les plus bas). On pratiquera des encoches au-dessous des quatrièmes et cinquièmes yeux et on laissera intact le troisième œil (celui du milieu).

– La deuxième année (taille hiver), on rabattra à 15-20 cm les deux rameaux inférieurs, à 10 cm les troisièmes et quatrièmes rameaux, à 5 cm seulement pour le plus haut. Le sixième œil, le prolongement, sera taillé court sur le premier œil opposé à son départ. Cette taille fera refluer la sève dans les jeunes branches.

– Les années suivantes, il faudra monter l’axe central en écartant de 50 cm chaque nouvelle série de branches. N’entreprenez la deuxième série de branches que lorsque la première est bien établie. Si la longueur des premières branches est insuffisante, effectuez une seconde taille de renforcement. Procédez toujours avec un œil opposé au point de départ du prolongement. Dès que possible, faites remonter les cinq branches charpentières en les coudant pour former les ailes de la pyramide. Palissez régulièrement les branches maîtresses. 

Comment obtenir un gobelet dirigé?

Le gobelet dirigé est une forme simple à obtenir. Pour un gobelet dirigé à huit branches verticales, à la plantation, il faut tailler le scion à 30 cm de hauteur au-dessus de quatre yeux bien formés. Lorsque les bourgeons poussent, palissez-les sur l’infrastructure de soutien. Dessinez alors sur le terrain un cercle de 20 cm de rayon, le pied du scion étant le centre. Tracez deux diamètres perpendiculaires. À l’extrémité des diamètres, plantez des piquets d’environ 50 cm de hauteur. Prenez ensuite une baguette flexible courbée en arc de cercle. C’est sur cette baguette que l’on palissera les futures branches charpentières écartées de 30 cm les unes des autres

-Pour la deuxième taille (hiver suivant), il conviendra de rabattre au-dessus de deux yeux latéraux les quatre branches charpentières verticales. Ces yeux formeront la bifurcation analogue à une fourche posée à plat sur le sol et dont les dents auraient la pointe en l’air. Lorsque les bourgeons pousseront, palissez-les sur des baguettes au fur et à mesure, de manière à ce qu’ils aient tous la même hauteur à leur extrémité. En cas de déséquilibre de l’un ou de l’autre, faites un palissage compensateur momentanément.

-Pour la troisième taille (hiver suivant), taillez les rameaux de prolongements des huit branches charpentières sur un œil vous faisant face et tous les prolongements à la même hauteur, pour garder l’équilibre de la forme.

-Les tailles suivantes consistent à tailler les prolongements toujours de la même manière, toujours sur un œil de face, pour éviter les coudes disgracieux.

Il est important d’intervenir pour réguler la circulation de sève, la freiner ou l’accélérer. En interrompant le « conduit de sève » à proximité d’un œil, on peut, soit canaliser la sève sur lui (barrage au-dessus), soit au contraire réduire le débit (en dessous).

Ces interruptions sont appelées « cran », « entaille » ou « incision », suivant la forme qu’elles revêtent. L’effet est limité par le temps nécessaire à la cicatrisation. Une simple incision (coupure légère) agit donc moins longtemps qu’une entaille (coupure profonde), agissant elle-même moins longtemps qu’un cran (ablation légère d’écorce).

Avec un peu d’attention, de patience et de suivi lors du palissage, il sera possible de « fabriquer » n’importe quelle forme, voire d’en inventer (certains écrivaient même leur nom ou des noms célèbres avec leurs arbres).

Vers la taille de fructification (arbres à pépins)

Principes généraux

On taille tous les ans, pendant le repos de végétation.

II est important de déterminer les différents organes, de savoir s’ils sont utiles, inutiles ou nuisibles et, suivant leur propriété, de les conserver intacts, d’en modifier le nombre, de modifier leur fonction par une diminution de leur longueur ou un changement de leur direction ou, enfin, d’éliminer ceux qui ne peuvent devenir utiles.

Les opérations de taille ne doivent pas être envisagées seulement à court terme, mais également dans leur répercussion sur l’avenir. Le but étant de chercher l’équilibre entre la ramure et le système radiculaire.

Le savoir-faire consiste précisément à créer un équilibre entre les deux forces qui se concurrencent : la puissance végétative et la puissance de fructification, et donc de répartir le flux de sève et, parfois, de freiner ou d’accélérer un peu les arbres car, en arboriculture fruitière, vigueur est synonyme de bois et de faiblesse de fruits.

Pour obtenir un fruit, il faut que la sève circule très lentement à travers toutes les ramifications de l’arbre. Si en taillant une ramification partant du tronc sur une forme jardinée à trois yeux, selon le principe de la dominance apicale, le bourgeon terminal, qui reçoit de la sève en abondance, part à bois. Le second bourgeon qui reçoit également beaucoup de sève part aussi à bois. Par contre, le troisième bourgeon (le second, si le rameau est faible) reçoit nettement moins de sève et se met en général à fleurs.

Ceci explique le principe de la taille, qui consiste à anticiper comment les bourgeons se développeront, puis de raccourcir chaque branche, en ne laissant que la longueur nécessaire pour qu’un bourgeon à fleurs se développe au printemps suivant. Ce principe s’applique aux pommiers et poiriers, mais aussi aux autres arbres fruitiers.

La taille décrite ici dérive de la méthode de taille dite « trigemme ». Elle consiste, comme son nom l’indique, à tailler toujours à « trois yeux ». Selon la quantité de sève qui parviendra à l’un de ces yeux, il évoluera soit en formant une nouvelle branche, soit en donnant un dard, qui, mal alimenté à son tour, donnera un bouton à fleur, puis un fruit.

Si ce principe de taille a pour mérite d’être simple à comprendre, il reste exposé à l’incertitude, car aucun arbre, aucune variété n’est semblable à l’autre. Chaque arbre a ses particularités, et il faut savoir s’adapter. Il faut savoir tailler plus « court », ou plus « long » en fonction de la végétation existante. Le jardinier n’est cependant pas entièrement désarmé face à la fructification. Il sait que le choix du terrain, des sujets porte-greffe, des variétés, du travail du sol ou de la taille sont tous des facteurs qui régissent le comportement de l’arbre. Par une culture raisonnée, on peut généralement éviter d’avoir de gros problème de culture et de devoir recourir à des opérations radicales pour obtenir des fruits.

Le rapport C/N

Deux facteurs sont essentiels dans le processus de la mise à fruit : la richesse des tissus en azote (N) et leur richesse en hydrates de carbone (C). On considère, non pas chacun de ces facteurs isolément, mais leur rapport :  C/N.

− Si N est fort et C faible, alors les arbres croissent très vigoureusement, mais ne portent pas de fruits. C’est le cas des arbres jeunes, au porte-greffe vigoureux, et croissant dans un sol riche. Des tailles drastiques peuvent provoquer, ou accentuer, cet état artificiellement, en réduisant la surface foliaire et donc la photosynthèse.

− Si N est limité et C abondant, alors les arbres fleurissent abondamment et ont une croissance acceptable. Cet état se maintient assez longtemps dans des conditions normales.

− Si C est trop bien pourvu par rapport à N, ce qui est le cas des arbres vieillissants, alors le résultat varie suivant le degré de pauvreté en azote. Si le manque est très prononcé, l’arbre ne pousse ni ne fleurit.

En pratique, il faut retenir :

− que l’apport d’azote doit être modéré pour les arbres jeunes ou approchant le stade de fructification et que tout ce qui diminue la surface foliaire (taille trop sévère) réduit l’alimentation carbonée. Mais un bon ensoleillement améliore aussi la synthèse des produits carbonés et donc une taille bien comprise doit permettre à chaque feuille de se présenter favorablement à la lumière.

− que la formation de boutons à fleurs est en relation plus ou moins directe avec la quantité de feuilles, leur état sanitaire et leurs dimensions.

− que la formation de boutons à fleurs est également directement influencée par la quantité de fruits que porte l’arbre au moment de la différenciation des boutons. Lorsque l’arbre se trouve dans sa période de fructification, il existe souvent une concurrence aiguë entre la croissance des fruits et la formation des ébauches florales.

− qu’on estime qu’il faut environ 30 à 50 feuilles normales pour alimenter un fruit moyen, si l’on désire que, en même temps, l’arbre continue à pousser et fructifier normalement. Il faut que les fruits soient distants de 10 à 15 cm.

Le porte-greffe

Son rôle est prédominant pour la mise à fruits. Les porte-greffes faibles, en prélevant au sol moins de matières minérales, modifient précocement le rapport C/N en défaveur de l’azote, d’où une mise à fruit précoce et un vieillissement précoce également, surtout en cas d’union de sujet porte-greffe faible et variété également faible.

La pollinisation

Au printemps, les arbres fruitiers fleurissent, puis les fruits apparaissent. Ils enferment une ou plusieurs graines qui proviennent des ovules contenus dans le pistil de la fleur. Pour que les ovules se transforment en graines, il a fallu que le pistil (organe femelle) soit pollinisé avec du pollen provenant des étamines (organe mâle) d’une fleur de la même espèce. Les « fruits » sont donc issus d’une reproduction sexuée. La majorité des arbres fruitiers nécessitent une pollinisation croisée pour produire des fruits. La plupart d’entre eux possèdent bien des organes mâles et femelles dans leurs fleurs, mais tous ne sont pas auto-fertiles.

De la taille de formation à la taille de fructification La sève montante (brute) favorise le développement des parties supérieures des branches au

détriment de leur base. Ce principe, qui permet de former les arbres, fait également obtenir la fructification. La sève descendante (élaborée) est gorgée de sucre. Elle participe à la fois à élaborer les fruits et à nourrir l’arbre. Elle se concentrera plutôt dans les branches orientées vers le bas.

Les branches charpentières doivent être prolongées, allongées, avec une longueur de taille utile, pour un prolongement moyen, située entre 20 et 30 cm. En effet, cette longueur est variable et doit être effectuée en fonction de la vigueur de la branche charpentière. Sur les branches où le courant de sève est freiné, les longueurs de taille seront décroissantes, allant de 30 cm à successivement 20,10 cm ou simplement 1 ou 2 yeux. On recherche à la fois l’allongement de chaque branche charpentière, et aussi le développement des yeux latéraux portés sur le prolongement taillé. Ce développement des yeux latéraux doit donner des ramifications courtes, nombreuses et si possible d’égale vigueur, appelées « coursonnes ». Ce sont elles qui porteront et donneront naissance aux éléments fructifères.

Pour pouvoir porter des fruits longtemps et en bonne santé, une coursonne doit être moyennement vigoureuse, implantée ni trop verticalement et, ni trop basse. Les coursonnes doivent être réparties à intervalles réguliers sur les branches charpentières avec une répartition sur les quatre faces des branches sur les formes en volume et uniquement sur les faces latérales des branches pour les palmettes palissées.

Dans la pratique (cas d’une palmette verticale type U simple, d’une palmette Verrier, de losanges ou de croisillons) :

-La première année. Il faut d’abord choisir un œil de flèche ou œil d’extrémité après la taille sur la face avant de la branche charpentière et en rapport avec le résultat de l’année précédente. Attention, les deux branches (dans le cas d’un U simple) devront être taillées à la même hauteur pour éviter un déséquilibre. Ensuite, il faut rechercher un coursonnage latéral, en supprimant, en dessous de l’œil de flèche, les yeux placés directement sur la face avant ou arrière du prolongement. Enfin, il faut s‘efforcer de maintenir 12 cm environ entre deux bourgeons superposés, de façon que chaque coursonne soit bien aérée et bien éclairée.

– La deuxième année, on poursuivra la mise en place des coursonnes à venir. Limitez la longueur du prolongement selon le résultat de la végétation précédente. Vous pourrez alors, soit garder une même longueur de taille, si le coursonnage s’est effectué correctement, soit pratiquer une taille plus courte, dite taille en renforcement, pour provoquer pendant un an une meilleure alimentation de la base. 

La taille de fructification

Le principe

Il faut utiliser les parties supérieures de la coursonne pour user la sève brute, alors que, dans les parties médianes et basses de cette même coursonne, la sève élaborée transformera les yeux en éléments favorables à la fructification. Quand la fructification sera installée, on supprimera les parties vigoureuses et stériles de la coursonne, qui pourraient la concurrencer dans son alimentation en sève, en ne conservant que les organes fertiles, pour favoriser ainsi l’alimentation des fruits se trouvant alors à l’extrémité de la coursonne. Mais, pour cela, il faut bien sûr reconnaitre au mieux les éléments que l’on va rencontrer sur la coursonne et ne pas confondre un élément stérile avec un élément fertile.

La distinction des organes stériles − Le gourmand : le nom est impropre par rapport à la définition horticole d’une pousse très vigoureuse, qui se développe à partir du porte-greffe, au détriment des branches de la variété greffée. En arboriculture, c’est en effet un rameau vertical d’une très grande vigueur (souvent 1 m de longueur) et de forte section. Il est lui aussi perturbateur, car il a tendance à déséquilibrer la forme de l’arbre, en tirant à lui progressivement toute la sève. On trouve généralement les gourmands aux coudes des charpentières ou sur la face supérieure des

branches horizontales. Ils sont très difficiles à mettre à fruits ; il faudrait les tailler très long ou les arquer, mais il est préférable, dès qu’un gourmand se manifeste, de l’éliminer en le coupant au ras de la branche qui lui a donné naissance.

− Le rameau à bois : il ne porte que des yeux à bois sur toute la longueur ; ceux de la base sont parfois mal constitués. Il est de vigueur modérée, sa longueur de 20 à 60 cm environ avec un empattement du diamètre d’un crayon. Quand sa force est moyenne, c’est l’élément idéal pour former une coursonne.

− La brindille : les brindilles sont des de rameaux à bois de longueur réduite (de 10 à 30 cm), de faible section et donc de faible vigueur. La brindille est terminée par un œil à bois. L’œil à bois est un petit bourgeon plus ou moins pointu, tomenteux (légèrement duveteux)chez le pommier et glabre chez le poirier, situé à la base du pétiole des feuilles en période de végétation, et réparti sur l’ensemble des rameaux stériles sur toute leur longueur. Il est protégé par des écailles réunies étroitement entre elles. À la base de cet œil, on trouve deux yeux stipulaires, qui sont des yeux latéraux. Peu apparents, ces yeux ne sont pas indépendants et ne se développeront qu’à la suite de la disparition de l’œil à bois qu’ils entourent, même lorsque celui-ci se sera transformé en rameaux. Ces « roues de secours » permettront plus tard le rajeunissement des coursonnes après une taille de rapprochement. Il est la base de tout : selon la quantité de sève qu’il recevra, il pourra aller vers la stérilité, en donnant des rameaux ou troncs, ou vers la fertilité, en donnant un dard, puis un œil à fruit.

L’évolution doit être contrôlée. Si le rameau reçoit beaucoup de sève, il évoluera en rameau à bois ou en brindille et sera perdu pour la fructification immédiate. S’il ne reçoit pas suffisamment de sève, il pourra disparaître, au mieux rester latent, et au pire, s’annuler, se dessécher. S’il ne reçoit qu’une quantité de sève limitée, il évoluera pour se transformer en dard, donc faire un pas vers la fructification.

La distinction des organes fertiles

− La brindille couronnée : la brindille peut se terminer par un bouton à fleurs, qui couronne sa tête. Chez les variétés très fertiles, la transformation des yeux à bois en boutons à fleurs est très rapide et ne demande que quelques mois. On trouve donc en fin de saison, à l’extrémité des ramifications de l’année, des boutons à fleurs. Le léger inconvénient des brindilles est qu’elles allongent les coursonnes, ce qui nuit à l’esthétique des arbres conduits en formes palissées, mais aussi à l’alimentation du fruit, qui reçoit de moins en moins de sève, au fur et à mesure que le poids du fruit arque la brindille vers le bas.

− Le bouton à fleurs ou lambourde ou lambourde fructifère : c’est un œil à bois, voire un dard, mais plus globuleux.. Il donne l’aspect d’un organe légèrement gonflé, ovoïde, recouvert d’écailles plus ou moins brunes (de 17 à 23) , semblables à celles de l’œil à bois, mais, à l’intérieur, est présente une inflorescence en corymbe (6 à 15), parfois flanquée à sa base de deux yeux stipulaires à bois. Un bouton à fleurs reste à fleurs, quelle que soit la quantité de sève que l’on dirige sur lui. Il n’y a pas de danger de le voir retourner à bois. C’est le résultat de la transformation d’un dard de l’année précédente. On le reconnaît dans l’été, car il est entouré d’une collerette de 6 feuilles, mais surtout, au printemps, il s’épanouit avant le départ des yeux à bois en végétation, pour donner une inflorescence pluriflore, entourée d’une collerette de feuilles. On le rencontre sur les coursonnes où, d’une façon naturelle ou à la suite de la taille de fructification, la transformation de l’œil à bois s’est effectuée en passant du stade d’œil à bois en dard et, enfin, en bouton à fleurs. Cette opération dure normalement de 2 ans (parfois chez le pommier) à 3 ans, selon l’état intermédiaire du dard.

Les rides sont les cicatrices laissées au niveau de leur insertion par les feuilles tombées. Il est entouré à sa base de 3 à 4 feuilles. Lorsqu’il est jeune, le dard est souvent sessile (sans pied, sans support, sans pétiole) plus proéminent que l’œil. S’il reçoit beaucoup de sève, il évoluera en rameau à bois ou en brindille et sera perdu pour la fructification immédiate. S’il ne reçoit pas suffisamment de sève, il s’allongera légèrement, deviendra pédonculé, mais ne terminera pas sa transformation en bouton à fleurs. Lorsque ce stade se renouvelle plusieurs fois, il se ride et se dessèche. Pour sa transformation en bouton, le dard doit recevoir une quantité de sève limitée, mais indispensable, et suffisante pour permettre son évolution.

La taille d’une coursonne

Le raisonnement doit rester le plus simple possible: il faut allonger la coursonne pour user sa vigueur vers l’extrémité et établir une zone fructifère à sa base. En couvrant (alimentant) un œil à bois suffisamment, mais sans excès pour qu’il se transforme en dard et en renouvelant le même principe de taille l’année suivante, il se transformera en bouton à fruits. La taille peut se résumer simplement à cela !

L’exemple de la taille d’une coursonne moyenne

Avant de faire fonctionner le sécateur, il faut garder en mémoire quelques règles : cette taille est basée sur des observations concernant l’évolution de la pousse de l’année suivante. Il faut regarder, comprendre et déterminer l’ensemble des productions décrites ci-dessus avant de tailler. Ne taillez jamais aveuglément, mais en fonction de la composition de la coursonne !

En pratique :

– Première année. Hiver : taillez sur trois yeux un rameau de force courante (20 à 40 cm) ; né d’un œil sur le prolongement de l’année précédente, ce rameau devient une coursonne moyenne. Eté : dès le départ de la végétation, les trois yeux conservés sont sous l’influence de leur position. L’œil d’extrémité reçoit plus de sève que les deux précédents. Il donne naissance à un organe vigoureux : rameau à bois ou forte brindille. L’œil intermédiaire bénéficie d’une pression moins forte du flux de sève. Il produit un dard. L’œil de la base est le moins alimenté. Il reste latent.

-Deuxième année. Hiver : taillez le rameau d’extrémité à un œil, comme appel de sève pour doser l’alimentation du dard et l’aider à se transformer en bouton à fruit. Eté : l’œil de la base recevant peu de sève brute reste latent ; l’œil intermédiaire se transforme en bouton à fruit et l’œil d’extrémité recevant le plus de sève brute a donné naissance à un rameau à bois.

– Troisième année. Hiver : la fructification est établie, taillez au-dessus du bouton à fruit. Eté : le bouton à fruit particulièrement bien alimenté donne un fruit et l’œil latent de la base se transforme en dard et bouton à fruit l’année suivante.

Que faire en cas d’évolution trop faible ?

La taille à trois yeux du rameau initial se révèle avoir été trop longue. Les deux yeux de base sont latents. Le troisième s’est transformé en dard.

-La première année. Hiver : sacrifiez le dard. Revenez sur le deuxième œil. Eté : l’œil à bois de l’extrémité se transforme en dard, et l’œil de base est toujours latent.

– La deuxième année. Hiver :ne taillez pas. Eté : l’œil de base s’est transformé en dard et le dard d’extrémité en bouton à fleur.

-La troisième année. Hiver : ne taillez pas. Eté : l’œil de base s’est transformé en dard et le bouton à fleur en fruit.

Cette taille permet d’obtenir un fruit qui, malgré le manque de sève, sera mieux alimenté que si on avait laissé la coursonne avec trois yeux.

Que faire en cas d’évolution excessive ?

Le raisonnement doit rester le plus simple possible: il faut allonger la coursonne pour user sa vigueur vers l’extrémité et établir une zone fructifère à sa base. En couvrant (alimentant) un œil à bois suffisamment, mais sans excès pour qu’il se transforme en dard et en renouvelant le même principe de taille l’année suivante, il se transformera en bouton à fruits. La taille peut se résumer simplement à cela !

L’exemple de la taille d’une coursonne moyenne

Avant de faire fonctionner le sécateur, il faut garder en mémoire quelques règles : cette taille est basée sur des observations concernant l’évolution de la pousse de l’année suivante. Il faut regarder, comprendre et déterminer l’ensemble des productions décrites ci-dessus avant de tailler. Ne taillez jamais aveuglément, mais en fonction de la composition de la coursonne !

En pratique :

– Première année. Hiver : taillez sur trois yeux un rameau de force courante (20 à 40 cm) ; né d’un œil sur le prolongement de l’année précédente, ce rameau devient une coursonne moyenne. Eté : dès le départ de la végétation, les trois yeux conservés sont sous l’influence de leur position. L’œil d’extrémité reçoit plus de sève que les deux précédents. Il donne naissance à un organe vigoureux : rameau à bois ou forte brindille. L’œil intermédiaire bénéficie d’une pression moins forte du flux de sève. Il produit un dard. L’œil de la base est le moins alimenté. Il reste latent.

-Deuxième année. Hiver : taillez le rameau d’extrémité à un œil, comme appel de sève pour doser l’alimentation du dard et l’aider à se transformer en bouton à fruit. Eté : l’œil de la base recevant peu de sève brute reste latent ; l’œil intermédiaire se transforme en bouton à fruit et l’œil d’extrémité recevant le plus de sève brute a donné naissance à un rameau à bois.

– Troisième année. Hiver : la fructification est établie, taillez au-dessus du bouton à fruit. Eté : le bouton à fruit particulièrement bien alimenté donne un fruit et l’œil latent de la base se transforme en dard et bouton à fruit l’année suivante.

Le théorème

On peut donc en déduire une méthode de taille moyenne, donnant, dans plus de 80% des cas, de bons résultats et en tirer un « théorème » ainsi énoncé : pour faire évoluer un œil (œil à bois ou dard), il faut réguler la sève en le protégeant par autant de portes de sorties (œil à bois ou dard) qu’il y a d’éléments poussant (de rameaux ou de bourses récentes) sur la coursonne. Pour obtenir un beau fruit, il convient de tailler tous les éléments situés au-dessus du bouton à fruit.